Comment allier maladie et sexualité ?

Aujourd’hui j’ai envie de vous parler d’un sujet qui est très peu traité dans la presse mais qui reste une réalité bien présente pour un bon nombre d’entre nous. Il s’agit de maladie et de sexualité. Comment aujourd’hui les personnes malades arrivent-elles à concilier leurs vies intimes avec les souffrances qu’elles endurent ? Ont-elles toujours une libido présente et sont-elles soutenues dans leur couple ?

Un sujet qui me tient particulièrement à cœur et pour lequel j’ai interviewé plusieurs personnes pour avoir un éclairage au plus proche de la réalité.

La maladie ça ne concerne pas que les autres. Elle peut survenir dans nos vies à tous moments et nous laisser complétement perdu.es et désemparé.es face à notre intimité. Comment alors poursuivre sa vie sexuelle quand on souffre et qu’on se bat pour sa vie ?

“En cas de maladie grave, quelle qu’elle soit, la dimension sexuelle est altérée, désir et plaisir s’amenuisent, voire disparaissent “ nous dit Joelle Mignot, directrice du Pôle santé sexuelle, sexologie et droits humains à l’université Paris- Diderot.

La maladie et les traitements abîment le corps et perturbent l’image que l’on à de soi. Résultat un sentiment de honte, une perte d’estime de soi et une peur des réactions de son ou sa partenaire apparaissent. Souvent s’ajoute à tout cela des soucis de communication et l’idée que le corps malade ne peut en aucun cas être érotique. Ce qui finit par dégrader la vie au quotidien et à moyen terme la vie de couple.

90% des personnes malades rencontrant des difficultés dans leurs vies intimes souhaiteraient en parler mais seulement 40 % le font réellement. Pourquoi ? Parce-que les médecins qui les suivent sont encore pour la plupart peu ou pas formés à ces questions et qu’ils ne les abordent pas forcément lors des consultations.

Bien sur des solutions existent pour éviter de distendre le lien intime et des consultations de sexologie sont ouvertes pour accompagner les patients malades pendant ces périodes particulièrement difficiles pour eux. Pour retrouver la spontanéité perdue avec la maladie des approches comportementales sont efficaces et se marient bien avec les traitements physiologiques. Ainsi pour faire revivre envie et désir, un parcours d’exercices se basant sur des caresses, à tour de rôle, sur l’ensemble du corps en évitant poitrine et parties génitales et toutes pénétrations s’avèrent très efficace.

Comme le dit le docteur, Muriel Baccigalupo, Psycho-sexologue à Montpellier “Echanger des caresses, c’est aussi faire l’amour.”

Le seul bémol que l’on peut souligner actuellement est que l’attente est souvent longue pour avoir un rendez-vous avec un sexologue dans ce cadre.

Pour mieux comprendre comment les personnes malades vivent leur sexualité, j’ai eu la chance de recueillir deux beaux témoignages plein d’espoir, de deux femmes formidables qui sont des modèles de courage et de résilience.

ELISABETH

Elisabeth est une femme qui vient d’avoir 50 ans et qui est touchée par un cancer du sein. Quand elle a découvert un nodule à l’intérieur de son sein droit, sa première réaction à été de se dire que sa vie de femme était terminée. “Au plus profond de moi même, avant même d’avoir le diagnostic, je me suis sentie comme dépossédée d’une partie de moi même et de ma valeur érotique”

Elle commence un traitement de chimiothérapie et on lui annonce que l’ablation de son sein est inévitable pour guérir. Son monde s’écroule et elle renie totalement son corps pendant des mois. “Mes seins ont toujours été ma fierté, j’aime leur dimension à la fois maternelle et érotique, savoir que j’allais être amputée d’une partie aussi symbolique de moi même m’a complétement bloquée au niveau de ma libido. Pour moi, je n’étais plus désirable et je ne voulais plus que mon mari me voit nue et me touche”

“Pendant des mois, je suis restée prostrée au plus profond de moi même, comme enterrée vivante sans que je me débatte. Une partie de moi était morte et je ne voulais même pas regarder ma cicatrice. Je n’étais plus une femme mais un corps mutilé, sans utilité, sans désir. Je fonctionnais mécaniquement. Je disais à mon mari de trouver une autre femme, une femme toute neuve, que moi j’étais foutue et plus bonne à rien”

Ce qui l’a aidé à se reconnecter à elle même et à sa féminité, ce sont des groupes de paroles féminins et un week-end pour apprendre à lâcher prise avec une psychothérapeute.

“Je n’avais jamais réfléchi au fait que je contrôlais en permanence ma vie et que mon cancer était venu bouleverser la totalité du monde intérieur que je m’étais construit. En participant à ce week-end consacré au lâcher-prise, j’ai compris que pour avancer, je ne devais plus rejeter mon cancer mais accepter le fait que seul mon corps avait changé. J’étais toujours une femme, j’avais un mari et des enfants qui m’aimaient et ils avaient besoin de moi “

Aujourd’hui Elisabeth est en rémission et à retrouvé une nouvelle intimité avec son mari.

“Quand j’ai compris que j’étais toujours une femme et que j’avais encore du désir pour mon mari j’ai pu enfin discuter avec lui de mes peurs et de la honte que je ressentais avec mon sein en moins. J’ai redécouvert mon mari, compris qu’il avait eu peur de me perdre et que pour lui j’étais plus qu’un corps. Je le remercie d’avoir été aussi patient avec moi et de m’avoir accompagné dans la réappropriation de mon corps, de ses sensations et de mon désir. Aujourd’hui nous avons retrouvé une sexualité, plus douce et plus tournée vers mes envies et mes besoins. C’est comme si je venais de me marier et que je vivais une nouvelle vie. Nous faisons moins l’amour qu’avant mais nos rapports sont d’une extrême qualité. Finalement ce cancer que je ne voulais pas a transformé ma vie sexuelle et m’a apporté plus de bonheur conjugal”

INGRID

Ingrid est une femme polyamoureuse, polyandre (aimée de 3 hommes) et pleine de créativité. C’est un cœur généreux qui aime se mettre au service des autres. Dans le cadre de son activité professionnelle, elle à sauvé la vie d’un homme et s’est blessée gravement. Elle a subit une névralgie cervico-brachiale lui provoquant une douleur intense des nerfs de l’oreille aux doigts du côté gauche.

Cet accident à complétement changé sa vie sexuelle et amoureuse. ” Les premiers mois la douleur me clouait sur place entre deux cachets de Tramadol. Je ne pouvais plus avoir la vie sexuelle endiablée que je menais avant. Le missionnaire était la seule position que je pouvais adopter, toutes les autres étant impossibles car trop douloureuses. Si je faisais l’amour après une prise de médicament j’étais comme droguée, je ne ressentais qu’un plaisir diffus presque hors de moi comme si je flottais en dehors de mon enveloppe corporelle. Si je faisais l’amour trop tard après ma prise d’opiacé, les douleurs m’empêchaient d’apprécier pleinement le moment. C’était horrible !! Par contre, si je trouvais le bon timing, la jouissance était très intense et mêlée à des visions orgasmiques sublimes”

Et l’a forcée ainsi que ses amoureux à inventer une autre façon de se désirer et de s’aimer. “La maladie à changé mon rapport aux caresses aussi. Je n’avais pas le loisir de sortir voir mes deux hommes (ceux avec lesquels je ne vis pas), il nous a fallu trouver des moments ou ils passaient me voir chez moi. Nous n’avions pas de rapports sexuels mais nous nous faisions des baisers et des caresses légères. Le manque d’intimité et le fait que je ne pouvais pas aller chez eux ou à l’hôtel au début de la maladie m’a permis de tester réellement le Slow Sex et de l’instaurer au sein de mes relations.”

“La masturbation m’a aussi aidée, étant paralysée par la douleur, c’était l’un de mes seuls accès à l’érotisme. La jouissance a eu clairement un effet anesthésiant sur mes douleurs. Les 3 premiers mois j’avais la sensation qu’une lame me découpait de l’intérieur jour et nuit et je rêvais de m’amputer le bras tellement les douleurs me rendaient dingues.”

Aujourd’hui elle va bien mieux même si tout n’est pas encore parfait ni rose. “Aujourd’hui je ne prend plus d’anti-douleur et je peux dire que j’ai réveillé des zones érogènes oubliées grâce au Slow Sex. Un de mes chéris a développé sa capacité à me donner du plaisir avec sa langue ce qui est super car je ne supporte plus les levrettes ou autres positions qui me font trop souffrir. Une autre conséquence de ma maladie est que mon angle de pénétration vaginale à été modifié du fait d’être restée assise des heures pendant des mois. Du coup, nous avons des problèmes de pénétration également ce qui nous amène à tester d’autres choses.”

” Je ne supporte plus de porter de la lingerie englobante, et au début de ma maladie je n’arrivais même plus à mettre mes chaussures et encore moins des dessous et collants. J’ai découvert le pouvoir érotique d’un compagnon qui t’habille de lingerie sexy et sensuelles. C’est un bon starter pour faire l’amour ensuite. Aujourd’hui un de mes compagnons s’est pris au jeu de me trouver des dessous légers et c’est chouette de se sentir femme, sensuelle, désirée et désirable.”

La maladie, aussi terrible et handicapante soit-elle permet aussi aux femmes et aux hommes qui la vivent de pouvoir se réinventer sensuellement. Bien sur le chemin vers cette nouvelle liberté érotique n’est pas sans obstacles ni sans douleurs mais il est beau de voir combien la force intérieure, la bienveillance et la résilience sont des armes fortes et porteuses d’espoir.

Merci à Elisabeth et Ingrid pour leurs témoignages touchants et plein de beauté. Je leur souhaite d’aller chaque jour un peu mieux et de retrouver complétement la santé. Si vous aussi vous êtes malades ou avez été malades et si vous vous reconnaissez dans ces témoignages, n’hésitez à laisser en commentaire votre expérience. Sachez qu’en faisant cela, vous libérez une parole utile et essentielle à tous ceux et celles qui souffrent et qui ne savent pas ou trouver du réconfort.

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