Les yeux tant aimés

J’ai toujours été une grande sensible, pendant que mes copines regardaient le corps, les muscles, la taille de la virilité des hommes, moi je détaillais avec passion leurs yeux. De la frange de cils élégante jusqu’à la couleur de leurs iris, je scannais dans ma mémoire, ces miroirs de l’âme. Seuls les yeux bruns/noirs me faisaient chavirer plus que ce qui était convenable.

Puis quand je me caressais dans le crépuscule de ma petite chambre d’adolescente, je repensais à tous ces yeux qui m’avait enchanté. J’imaginais les longs cils de l’élu du moment venant caresser mon sexe ouvert et humide. Je l’imaginais passionné d’anatomie féminine et curieux de venir regarder mes plaines intérieures. Il se serait allongé entre mes jambes écartées avec avidité puis en prenant tout son temps, il m’aurait exploré de son regard curieux et intense. Ca me faisait jouir à tous les coups, je n’avais pas besoin des images commerciales des beaux gosses du moment.

Lui, il avait des yeux fantastiques, de ceux qui m’avait tout de suite bouleversée. Dans les siens, il y avait cette petite lueur malicieuse qui se fout de la morale. Une sorte de lumière sauvage d’homme libre. Un peu mélancolique, la couleur de ses iris passait d’un brun ténébreux à un noir profond qui me rappelait les variations d’une encre de chine que l’on essayerait de diluer ici et là.

Une étincelle y crépitait sans discontinuer, comme une flamme de bougie en fin de vie qui ne voulait pas s’éteindre. Ses longs cils faisaient un barrage naturel, une sorte de maquis ou il aimait se réfugier quand il ne voulait pas se dévoiler. Alors il baissait légèrement les yeux et il était impossible à quiconque de lire en lui.

Quand je le suçais ses yeux me regardaient avec une certaine dévotion, je pouvais alors y lire l’origine du plaisir masculin. Je voyais ses pupilles se dilater tout doucement, au même rythme que sa queue durcissait dans ma bouche. Puis alors que je m’appliquais langoureusement à aspirer sa hampe, n’oubliant pas un seul centimètres carré de sa peau veinée, une lumière de concupiscence s’allumait dans ceux ci et brillait sans discontinuer.

Les caresses sur son gland rosé, lui faisait fermer ses beaux yeux, mais ils continuaient à danser sous ses paupières closes. Petits poissons à la queue frétillante ils bougeaient sans se lasser. Quand je stoppais toutes manoeuvres, il ouvrait très grand les yeux me regardant avec dureté comme pour me gronder de le priver d’un plaisir qui le rendait si vivant.

Alors en bonne soumise je continuais à le dévorer pour profiter du ballet de ses yeux noirs dont j’étais incapable de me lasser. Il jouissait avec des yeux étincelants comme des couteaux trop aiguisés. Tueurs à gage terrassés par la violence d’une jouissance profonde, ils se révulsaient comme des nageurs olympiques qui plongeaient d’une falaise. Puis ils se fermaient pour quelques heures avant de reprendre leur contrôle sur moi.

Ses yeux m’excitaient, j’aimais y voir ma vie défiler à ses cotés Parfois, quand il ne me voyait pas, je me surprenais à y regarder mon reflet et m’y contempler comme on le ferait dans de l’eau. J’avais l’impression alors de posséder ses deux yeux que je remplissais de toute ma présence.

Devenu vieux, ses yeux avaient toujours ce même attrait. Les paupières s’étaient un peu affaissées et les rides s’y étaient creusées mais ils gardaient cette lumière qui avait accompagnée toute ma vie. Elle m’avait réchauffée à bien des moments difficiles et avait su me donner foi en moi. Même si désormais je pouvais y voir quelques contrariétés inhérentes à la vieillesse, ils ne perdaient à aucun moment de leur charme initial. Je continuais en bonne ouvrière à les faire danser de plaisir. J’aimais les voir sursauter quand le plaisir arrivait et qu’il ne pouvait plus les contrôler.

C’était la mon unique pouvoir sur eux et j’en abusais des que possible.

Il mourut par une belle journée de printemps. Assis dans son fauteuil, son regard se figea soudain sur un point au loin et s’éteignit. Comme je n’avais pas eu le courage de le faire ne pouvant pas imaginer ma vie sans la limpidité de son regard, le prêtre lui ferma les yeux en le bénissant et prépara ses obsèques. Il avait voulu reposer en terre natale, dans son jardin comme la loi l’autorisait. Sa volonté serait respectée.

Je m’enfermais une dernière fois avec lui pour m’imprégner de ce qu’il avait été pour moi puis je le laissais partir vers son ultime demeure. J’étais la seule à ne pas pleurer sa perte le jour de son enterrement, je souriais même tranquillement ce qui probablement me fit passer pour une veille folle qui avait perdu l’esprit en ce jour si funèbre.

Le premier soir de ma vie sans lui, je mis sur notre commode des tas de petites bougies dont on se servait pour réchauffer les plats. Puis j’enfilais le déshabillé qu’il m’avait offert bien longtemps auparavant, cadeau d’un amant qui apprécie les langueurs féminines de la jeunesse. Une fois que tout me sembla parfait, je me dirigeais vers la vieille armoire de chêne qui grinçait un peu. Je l’ouvris précautionneusement et en sortit un bocal plein d’un liquide que je vins poser au milieu du lit.

La lune se leva éclairant doucement les pourtours de notre lit et je vis enfin son regard braqué sur moi comme il l’avait été pendant toutes ces années a ses cotés. Je souriais avec joie et je me caressais doucement sous le regard approbateur de celui qui avait été mon tout.

J’avais désormais ses yeux  pour l’éternité, figés dans du formol que m’avait procuré un de nos amis médecin.

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